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Sujet
proposé par
chip
le 17/12/2006 à
21:39:30 vu 8279 fois |
France |
---Varennes-- |
Précis historique du voyage entrepris par Sa Majesté Louis XVI, le 21 juin 1791; de l'arrestation de la famille royale à Varennes, et de son retour à Paris.
Le comte François-Florent de Valori,témoin et acteur, jusque dans les moindres détails, de l'épisode mémorable du voyage du Roi, a constamment souffert de l'infidélité avec laquelle tous les écrivains du temps l'ont raconté au public.Les uns,par ignorance et précipitation,ont altéré les faits ;les autres,par une perfidie calculée d'après des meneurs de la révolution,les ont dénaturés,ils les ont même salis par des mensonges impurs,qui sont pourtant demeurés comme des faits constants dans le souvenir d'un grand nombre de Français.
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Ce sujet à reçu 28 réponses

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n°20074 de chip le 18/12/2006 à
00:25:37 |
France |
Avant la restauration,qu'était-il besoin besoin de mettre la vérité en évidence ? Le comte de Valori,dont la faible mémoire en était en France l'unique dépositaire,puisque M.de Moutier et de M.le chevalier de Malden n'y étaient point rentrés,aurait-il pu trouver un seul imprimeur qui se fût exposé à prêter une presse à ses récits ? Tout était danger pour les moindres coopérateurs des oeuvres entachées de royalisme.Une obscure et farouche surveillance,exercée en chaque lieu,glacait jusqu'à la pensée,enchainait des liens de la terreur toutes les plumes religieusement véridiques,et les coeurs chauds et sensibles des vrais amis du trône et des Bourbons étaient réduits à conserver en silence le feu
sacré que devait enfin appeler à une libre et heureuse
explosion la présence de Louis-le-Désiré.
Aujourd'hui ce bonheur est accompli.Le comte de Valori peut mettre sous les yeux de la France un récit simple,que réclament les sincères amis de la vérité ;et il le leur eût offert quelques mois plus tôt,si ses
devoirs militaires n'eussent exigé,depuis la restauration,le sacrifice de toutes ses heures (1).
Mais il ne se dissimule pas qu'un soldat tel que lui,plus savant à chérir les princes qu'habille à écrire des pages pour l'histoire,ne présentera que bien imparfaitement à celle-ci ce qui lui appartient de droit
dans l'épisode aussi important que douloureux dont il s'agit .Il supplie donc ses lecteurs de n'envisager que les faits,et de lui savoir quelque gré,à raison de ce qu'il en coûte à son coeur d'endurer le renouvellement de tant de sensations,qui ne l'abordent jamais sans le déchirer encore. |
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n°20098 de chip le 18/12/2006 à
21:00:14 |
France |
Le projet du départ de Paris de l'infortuné Louis XVI,fut confié par S.M même à M.le comte d'Agoult,qui jusqu'au licenciement des gardes-du-corps,opéré après les atroces journées des 5 et 6 octobre 1789, avait été aide-major de cour.Il possédait et avait mérité l'estime particulière de son souverain,et ce fut à lui que S.M. s'en rapporta pour le choix de trois coopérateurs,indispensables au voyage qu'on allait entreprendre.En conséquence,M le comte d'Agoult fit l'honneur à MM.de Valori,de Moutier,et de Malden,gardes-du-corps licenciés depuis le 5 octobre 1789,de présumer assez bien d'eux pour les croire dignes de reçevoir la proposition de se dévouer à risquer les périls que pourraient entraîner à leur égard l'évasion et le voyage du Roi avec son auguste famille.
Ces trois messieurs protestèrent au même instant de leur fidélité au meilleur des Maîtres,de leur zèle à tout risquer,s'il le fallait, pour le lui prouver,et ils se sentirent heureux d'avoir une occasion nouvelle de lui offrir peut-être le sacrifice de leur vie. |
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n°20100 de chip le 18/12/2006 à
21:55:46 |
France |
Alors M.le comte d'Agoult soumit au Roi les choix qu'il venait de faire,et S.M.,daignant les approuver,accepta les services de ces messieurs.
Ceci se pass trois jours avant l'époque fixée pour le départ.
Aussitôt MM.de Valori,de Moutier,de Malden,reçurent quelques ordres concernant les différentes missions de détail dont chacun d'eux allait être chargé.Leur costume de route leur fut indiqué,afin qu'ils s'en pourvussent;les moyens de s'introduire chez le Roi et chez la Reine,à l'heure convenable,leur furent assignés;des signaux d'intelligence furent concertés.Le comte de Valori
devait pénétrer,pour conférer avec la Reine,à l'heure convenable,par les couloirs qui conduisaient chez Mgr.le Dauphin,et s'arrêter à une petite porte dérobée qui menait aux appartements de S.M.; là, trois petits coups qu'il frapperait dans ses mains étaient le signal auquel la porte s'ouvrirait pour lui.
Dans la même journée il fut reçu chez la Reine,et le Roi y arriva l'instant d'après,suivi de MM.de Moutier et de Malden.Sa Majesté daigna les assurer tous trois de la confiance entière qu'elle accordait à leur noble dévouement et à leur discrétion;elle les prévint du danger qu'ils courraient dans le cas où,malheureusement,le secret viendrait à être découvert; elle leur recommanda la prudence la plus scrupuleuse.
Tous trois jurèrent à leur Roi et à son auguste Épouse,une fidélité inaltérable sous quelque rapport que ce fût,et les assurèrent qu'ils étaient prêts à tout entreprendre,ainsi qu'à subir tout si le destin devenant contraire,pouvait mettre en péril Leurs Majestés |
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n°20126 de chip le 19/12/2006 à
23:30:05 |
France |
La Reine demanda à ces messieurs quels étaient leurs noms de baptême,leur disant que," chacun d'eux, pendant le voyage, serait désigné par le sien,attendu qu'il fallait qu'on les crût ses domestiques".Ils reçurent d'ailleurs de sa bouche les instructions relatives aux dispositions dont ils avaient à s'occuper.Tous trois devaient être vêtus d'une veste jaune taillée dans la forme de celles des courriers,et se les faire préparer.Le Roi leur dit qu'il était inutile qu'ils songeassent à se pourvoir d'armes ; qu'elles leur seraient fournies,et qu'elles se trouveraient déposées dans la voiture de départ ; que les selles pour deux courriers,toutes garnies de fontes de pistolets,seraient placées sur les deux chevaux de course qu'on devait mener au rendez-vous.Le lieu où remisait la voiture destinée à voyager,fut aussi indiqué à ceux de ces messieurs qu'on chargeait d'y transporter les effets qui leur seraient confiés.Il n'y eut que la connaissance de l'endroit où l'on monterait en voiture,qui ne leur fut pas donnée.Elle fut réservée pour le moment où il serait temps de la communiquer. Les signaux furent répétés et confirmés ; car le Roi regardait comme important que ses trois serviteurs pénétrassent sans obstacle chez lui et chez la Reine, toutes les fois qu'ils croiraient utile de s'y présenter. Enfin chacun d'eux,bien instruit des soins qui le concernaient, alla, au sortir de cette séance,s'en occuper exclusivement. |
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n°20144 de chip le 21/12/2006 à
01:18:54 |
France |
La veille du jour du départ,le comte de Valori se rendit chez la Reine,entre onze heures du soir et minuit ; et Sa Majesté manifesta devant lui une vive inquiétude que M.le marquis de la Fayette,général de la garde nationale de Paris,et M.Gouvion,son major,ne se doutassent du projet d'évasion.M.de Valori connaissait beaucoup le dernier,attendu qu'en province il habitait la même ville que lui,et qu'à Paris il le voyait quelque fois,parce que,rendant justice à sa droiture et à la probité de son caractère,malgré qu'il servît le parti de la révolution,il ne pouvait lui retirer entièrement son estime.Désirant se mettre à même de rassurer S.M.,il lui offrit d'aller faire une visite à M.Gouvion,et de tâcher de juger jusqu'à quel point la méfiance était excitée chez lui par l'alarme que donnaient les journaux,dont une partie prophétisait que bientôt toute la famille royale abandonnerait Paris.La Reine accepta que M.de Valori risquât cette tentative. |
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n°20145 de chip le 21/12/2006 à
01:18:54 |
France |
En conséquence,il alla le lendemain matin chez M.Gouvion dont le logement était au château.Il était sorti de l'appartement qu'il y avait ; mais il le trouva dans l'une des salles du corps-de-garde,destinée sans doute à son état-major : il y fumait une pipe et n'avait personne avec lui ; c'était bien ce que désirait M.de Valori que de le rencontrer ainsi sans témoins.Il en fut accueilli très amicalement ; M.le major-général lui offrit à déjeûner,et il ne le refusa pas.La conversation,après avoir roulé quelques instants sur ce qui concernait des amis communs,sur les personnes de leur connaissance et sur quelques sujets divers,s'établit insensiblement sur la tournure que prenait ou qu'avait déjà prise la révolution ; et M.de Valori doit à M.Gouvion la justice d'attester qu'il lui parla avec émotion de la position du Roi.Il était franchement et aveuglément constitutionnel,mais il avait l'âme honnête ; aussi se montrait-il occupé du désir de revoir bientôt S.M. raffermie sur son trône.M.de Valori dit quelques mots concernant les craintes que semaient les journaux,et M.Gouvion répondit : "Je parie ma tête que le Roi n'a pas la moindre envie de quitter Paris.Il est assuré qu'on en veut point à sa personne,et qu'une fois les changements dans le gouvernement opérés et assurés tel qu'on désire qu'ils le soient,il sera plus puissant que jamais".C'était ainsi qu'une illusion extraordinaire autant que funeste maintenait dans le parti de la révolution nombre d'individus qui ne souhaitaient que le bien,et auxquels d'astucieux orateurs,qui avaient en l'art de les séduire et de les entraîner,couvraient encore les yeux par un épais bandeau.La suite de l'entretien ayant confirmé encore mieux à M.de Valori que le major-général n'avait conçu ombrage,il prit congé de lui,et courut au rendez-vous que lui avait assigné la Reine. |
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n°20146 de chip le 21/12/2006 à
01:18:54 |
France |
S.M. l'attendait,assise sur un tabouret,à côté de la petite porte,dans la pièce dont nous avons parlé.Une sentinelle,mise en faction le long du corridor qui y conduisait,se promenait et surveillait en même temps les issues de l'appartement de Mgr. le Dauphin ; de sorte qu'il fallait prendre des précautions pour arriver à la petite porte de la Reine,et n'y manifester le signal que lorsque cette sentinelle tournait le dos en marchant vers l'autre extrémité du corridor.M.de Valori avait saisi la minute propice ; mais comme il venait de frapper dans ses mains le second coup,il sort d'une des chambres voisines un individu se dirigeant du côté de celle de Mgr.le Dauphin.M.de Valori ne frappe point son troisième
coup,et la Reine,heureusement,suspend aussi l'ouverture de sa porte.Il poursuit son chemin comme s'il voulait entrer aussi chez Monseigneur.
L'indvidu en question le précède ; M.de Valori se présente dans l'anti-chambre,demande à parler à quelqu'un qu'il jugeait ne pouvoir être là,et seulement alors il aperçoit que son quidam est un officier général ; il le prend pour M. de la Fayette,et il croit encore que c'était lui-même. |
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n°20164 de chip le 22/12/2006 à
00:21:02 |
France |
Etourdi de sa rencontre,il retourne sur ses pas en regardant bien derrière lui,si on ne le suit point.Comme la sentinelle était alors assez loin de la petite porte,et qu'elle avait le dos tourné,les trois coups furent incontinent frappés,et cette porte s'ouvrit.Il trouva la Reine fort intriguée des deux premiers coups,qu'elle avait très bien entendus,ainsi que des talons dont elle avait distingué le bruit de marche.Quand le récit que lui fit le comte de Valori l'eut rassurée,elle lui dit : " J'ai effectivement cru reconnaître le pas de M. de la Fayette.Cet homme m'effraie au point que je me persuade sans cesse ou le voir ou l'entendre."
M.de Valori rendit compte de la conversation qu'il venait d'avoir avec M.Gouvion.S.M. sourit " Je ne le crois pas méchant,dit-elle,mais il est brusque ; il a l'air si dur ! ...Je vous remercie du calme que vous m'apportez ; j'en avais besoin.Eh bien ! nous approchons du terrible quart-d'heure...Pourrons-nous sortir d'ici sans être aperçus ? sans être reconnus ?
M de la Fayette nous veut et nous fait bien du mal ! il a doublé les gardes partout...Madame, reprit M.de Valori, cette précaution est plutôt mise en œuvre par lui à dessein de rassurer les esprits inquiets et de faire taire les aboyeurs, qu'à raison de ses propres craintes.J'ose proposer à V.M de me permettre de revoir M.Gouvion dans l'après-midi : si je lui trouve la même sécurité,M de la Fayette ne pouvant manquer d'en avoir une toute semblable,il sera plus qu'à parier que nous exécuterons notre sortie du château sans qu'il survienne d'obstacle.V.M ne le pense-t-elle pas ?"
Le Roi entra vers la fin de ce colloque,et la Reine lui rapporta ce qu'elle venait d'entendre.Il lui répondit :" S'ils ne se doutent de rien,nous sortirons effectivement sans peine." Puis, touché sans doute du zèle du comte de Valori, avec un sourire plein de bonté il daigna lui dire :" Vous êtes officier de mes gardes-du-corps.Arrivons heureusement :vous, et vos camarades,ne serez pas oubliés.Les dispositions du voyage sont rédigées par écrit ; les voici,je vais vous les dire.J'irai coucher demain, 21 , à l'abbaye d'Orval.
M.le marquis de Bouillé m'attend,avec un corps d'armée,en avant de Mont-Médi.De forts détachements de hussards et de dragons sont postés à Pont-Somvelt,vous demanderez après M.le Duc de Choiseul ;c'est lui qui commande l'escadron des hussards de Lauzun,qui y est placé ; il vous fera parler à un aide-de-camp de M.le marquis de Bouillé,auquel vous direz,de ma part,d'exécuter de suite les ordres qu'il a reçus.Ces ordres sont,d'aller prévenir les commandants des détachements stationnés à Sainte-Menehould,Clermont,Varennes,Dun,qu'ils aient à prendre leurs mesures pour que chacun d'eux se trouve au poste qui lui est assigné.Ils doivent,après notre passage, barrer chemin à tous voyageurs à cheval ou en voiture.Le même aide-de-camp doit aussi aller avertir le fils de M.le Marquis de Bouillé de l'heure où il faudra qu'il aille m'attendre. |
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n°20165 de chip le 22/12/2006 à
00:21:02 |
France |
Avant d'arriver à Varennes (qui n 'est plus sur la route de poste),au-dessus de la côte qui domine cette ville,et par laquelle on y descend,vous entrerez de quelques pas dans le bois à votre gauche,si déjà vous n'êtes apperçu par le fils de M.Bouillé,ou par un autre officier,M. le marquis de Boige-court,qui lui est adjoint ; lesquels se trouveront là,à la lisière du bois avec les relais de chevaux qu'ils doivent conduire eux-mêmes.Ils nous feront passer Varennes et nous mèneront à Dun.Vous verrez les commandants des escadrons qui m'attendront sur la route ; en avant de Sainte-Menehould ,ce sera M.le marquis d'Andouin à la tête d'un détachement du régiment de dragons de Monsieur ; en avant de Clermont,M. le comte Charles de Damas à la tête du second escadron du même régiment ; en avant de Varennes,M. d'Erlon,capitaine au régiment d'hussards de Lauzun,aussi à la tête de son escadron ; en avant de Dun,M.de Lorrie avec un détachement des mêmes hussards.Tâchez que nous n'éprouvions en chemein aucun retard aux postes,et ayez toujours beaucoup d'avance.A Bondi,vous commanderez un relais de six chevaux de berline ; un autre de deux chevaux de chaise,et deux bidets,l'un pour vous,l'autre pour celui de vos camarades qui courra derrière ma voiture ; un de ces deux messieurs montera sur le siège.Durant toute la route,nous suivrons le même ordre de marche. " |
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n°20179 de chip le 23/12/2006 à
00:35:30 |
France |
Ces instructions reçues,M.de Valori se retirait.La Reine lui dit : "faites en sorte de pouvoir nous confirmer ce que vous nous avez appris de rassurant. A ce soir,à onze heures et demie." C'était le jour du départ : il devait s'effectuer à minuit sonnant.
Dans la soirée,M.de Valori joignit encore M.Gouvion,et s'entretint de nouveau avec lui ; il ne lui parut pas être plus intrigué que le matin : moyennant quoi M.de Valori put,avec assurance, ajouter quelque chose à la tranquilité qu'il avait eu le bonheur d'apporter déjà à LL.MM,ce qui parut satisfaire encore beaucoup la Reine.
On sait que M.le comte de Fersen,colonel au service de France dans le régiment de Royal-Suédois,fut particulièrement chargé de pourvoir à lusieurs objets très importants et indispensables à l'accomplissement du départ.Il avait été aussi chargé de faire construire la berline de voyage : voiture fort ordinaire dans sa forme, fort simple extérieurement,mais parfaitement soignée quant à la solidité.Il l'avait aussi été de se pourvoir des chevaux qui devaient mener jusqu'à Bondi,et qu'il conduirait lui-même.De plus, il s'était chargé de se procurer un carosse de place (autrement dit, un fiacre) tout attelé,dont il serait le cocher ; lequel fiacre devait recevoir la famille royale au sortir du château.Son rendez-vous était sur la place du Carousel au coin de la rue Saint-Nicaise. |
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n°20180 de chip le 23/12/2006 à
00:35:30 |
France |
A onze heures du soir, Mgr. le Dauphin et Madame Royale, accompagnés de madame la comtesse de Tourzel, gouvernante des Enfants de France,furent conduits à ce fiacre,et renfermés dedans pour y attendre le Roi,la Reine et madame Elisabeth.La berline de route,toute chargée, toute attelée,alla les attendre en dehors de la porte St-Martin.Ici nous ferons remarquer que l'armement des trois gardes-du-corps avait été oublié ; les pistolets qui leur étaient destinés n'avaient point été mis dans le carosse ; de sorte que ces messieurs ne se trouvèrent munis chacun que d'un couteau de chasse,dont ils s'étaient pourvus eux-mêmes.
A onze heures et demie,le comte de Valori se rendit chez la Reine,et MM. de Moutier et de Malden,chez le Roi.Ces derniers y parvenaient par le grand escalier du château,en prenant la porte à gauche.
La Reine et madame la princesse Elisabeth parurent à M. de Valori tranquilles et rassurées.A minuit,le Roi entre chez elles avec MM.de Malden et de Moutier.S.M. relut encore à ses trois gardes ,et particulièrement à M. de Valori, comme chargé de courir en avant,les dispositions du voyage : ensuite de quoi,on entreprit la sortie du château dans l'ordre suivant : M.de Moutier donnait le bras à la Reine ; M.le chevalier de Malden donnait le sien à Mme Elisabeth ; M.de Valori suivait le Roi. |
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n°20181 de chip le 23/12/2006 à
00:35:30 |
France |
On observa des distances suffisantes,afin de ne pas faire groupe.Le Roi,en habit gris et en perruque,marchait le premier.La Reine et Mme Elisabeth étaient vêtues de petites robes ; elles s'étaient coiffées chacune d'un grand chapeau très propre à ombrager leurs visages ; précaution fort salutaire,car,grâces aux bruits méchamments répandus,les cours des Tuileries se trouvèrent être illuminées de façon à faire croire qu'on "tait en plein jour.Des gardes nationaux les garnissaient.Partout la méfiance avait fait multiplier les précautions de toute espèce.
Mais,en dépit d'elles,la famille Royale traversa ces cours si éclairées,et passa outre sans être reconnue par personne.Dans le trajet,l'une des boucles de souliers du Roi se détacha et roula par terre ; le comte de Valori,marchait sur les pas de son Maître,la ramassa.Ce petit incident ne fut d'aucun effet.L'on atteignit, sans nulle difficulté,le coin de la rue Saint-Nicaise,où le fiacre,mené par M.de Fersen,et déjà occupé par les Enfants de France,attendait LL.MM. Cependant la Reine tarda de deux ou trois minutes ; elle avait été saisie d'une vive frayeur en voyant tout-à-coup paraître de m.de la Fayette,lequel accourait au grand trop pour se trouver au coucher du Roi ; plusieurs laquais entouraient son carrosse de flambeaux allumés qui jetaient une lumère si grande que S.M. , persuadée que le général en chef allait la reconnaître,quitta aussitôt le bras de son conducteur et se mit à fuir d'un côté opposé.M.de Moutier,la suivant de très près,s'efforçait de la rassurer en la suppliant de remarquer que les flambeaux eux-mêmes,placés entre sa personne royale et les yeux de M. de la Fayette,éblouissaient celui-ci de façon qu'il ne pouvait la distinguer.La Reine se calma,reprit confiance et joignit le fiacre.
M.de Valori partit tout de suite à cheval pour aller commander le relais à Bondi ; M.de Moutier y monta de même pour suivre la voiture,et M.de Malden s'établit derrière.Ce fut ainsi qu'on alla gagner le carrosse qui attendait au-dehors de la porte Saint-Martin,comme on l'a dit.Parvenu jusque là le changement d'équipage s'effectua avec promptitude ; M.le comte de Fersen monta sur le siège,et conduisit,grand train,à Bondi. |
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n°20249 de chip le 26/12/2006 à
01:14:02 |
France |
Rendons hommage à la perspicacité de la Reine Marie-Antoinette,elle avait 2 fois raison,en effet, M.Gouvion et M.de la Fayette étaient au courant des projets d'évasion de la famille royale,et ce depuis le 10 juin 1791. |
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n°20252 de chip le 26/12/2006 à
01:14:02 |
France |
Les faits :
Une femme Allemande mariée à un Français nommé Rochereuil,était attachée à la Reine en qualité de Porte-chaise d'affaires.Cette femme avait témoigné tant d'indignations et versé tant de larmes sur les horreurs des 5 et 6 octobre 1789,que la Reine touchée de ces preuves d'attachement,lui donna sa confiance,la chargea du soin de préparer ses bouillons,et la logea au rez-de-chaussée de son appartement,dans une chambre qui communiquait à l'appartement qu'avait occupé M. le Duc de Villequier.
Au commencement de juin,la Reine méditant son évasion fit, transporter dans une autre chambre la femme Rochereuil.Celle-ci soupçonna des projets ; elle épia le Roi et la Reine.La confiance qu'on avait en elle,la mit en portée de connaître exactement ce qui se méditait pour la fuite du Roi.
Le 10 juin,elle en denonça les préparatifs à MM.de Lafeytte,de Gouvion,et au Comité des recherches de l'Assemblée nationale.Elle eut avec eux 11 conférences,dans l'espace de 9 jours.
Suite à ces dénonciations,M.de Lafayette chargea 13 officiers de confiance,de faire toutes les nuits des patrouilles dans l'enceinte des Thuileries,avec l'ordre secret de favoriser l'évasion. |
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n°20325 de chip le 29/12/2006 à
20:20:00 |
France |
Suite de l'histoire :
Ici M.de Valori demande permission d'interrompre son récit,pour tâcher de jeter un peu de jour sur les moyens qu'on a eu de connaître la trace du Roi et sur les causes de son arrestation à Varennes,car les relations faites au public,même celles q'ont écrites des historiens de bonne foi,tels que M.Anquetil et quelques autres,sont si fautives qu'il croit devoir s'occuper un moment d'en démentir les erreurs.
On a généralement supposé que M.le marquis de la Fayette avait eu connaissance du projet d'évasion;qu'il savait quels étaient le jour et l'heure où il devait s'accomplir,et qu'il ne s'était abstenu de le troubler que pour acquérir la gloire cruelle de faire arrêter son Souverain au sein de ses provinces,à l'extrémité de ses états,afin de les lui faire retraverser,au retour,sous les baïonnettes d'une immense horde de sujets rebelles,auxquels il serait ordonné de lui faire boire le calice de toutes les humiliations et de mille terreurs,inouïes jusque-là.Non ; ce dessein plus que coupable,plus que barbare,n'a point été conçu par M.de la Fayette.On doit même douter,qu'il lui eût été possible de l'enfanter,et croire que s'il eût abordé sa pensée,il l'aurait repoussé avec horreur.
(Apparement M.de Valori ne connaissait pas l'Abbé Augustin Barruel) |
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n°20340 de chip le 29/12/2006 à
21:25:00 |
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L'arrivée de M.de la Fayette au château,prouve assez l'intention d'assister au coucher du Roi.En y entrant,il apprend de son major-général que le coucher est fini ;qu'il s'y est trouvé;et,en effet,S.M avait feint de l'effectuer comme de coutume.Alors,M.de la Fayette,s'en retourne paisiblement à son hôtel,se couche lui-même et s'endort.Rien peut-il démontrer mieux quelle était son ignorance ainsi que celle de M.Gouvion ?
Ajoutons à cette preuve un raisonnement bien simple et bien frappant: si ces MM. eussent été complices tacites de l'évasion,il en serait nécessairement résulté de deux choses l'une : ou qu'ils auraient fait poursuivre le carosse royal d'assez près pour ne pas courir le risque de manquer de le faire arrêter où ils le voulaient,ou que, dans le cas où ils favorisaient secrètement cette évasion,ils se seraient enfuis eux-mêmes,afin d'éviter de tomber au pouvoir de tout le peuple révolutionnaire,envers lequel ils étaient responsables de la présence du Roi au château des Thuileries,dont l'investigation et la garde leur étaient exclusivement confiées.
Rassemblons maintenant sous les yeux du lecteur tout ce qui a concouru contre le succès du voyage. |
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n°20486 de chip le 03/01/2007 à
22:33:34 |
France |
Le départ de deux femmes attachées au service de Mgr.le Dauphin et de Madame Royale(lesquelles ont ensuite suivi,dans un cabriolet attelé de deux chevaux de louage,la voiture du Roi),avait beaucoup trop devancé celui de S.M. Ces dames étaient parties dans l'après midi,et s'étaient stationnées à Bondi ; de sorte qu'elles y restèrent cinq ou six heures avant l'arrivée de la famille Royale ; et,ce qui était une grande faute,le postillon de la poste de Paris,qui les avait menées à Bondi,y fut retenu avec ses chevaux,de manière qu'il vit apprêter les relais pour le Roi;il vit pareillement M.le comte de Fersen quitter son siège de cocher pour monter aussitôt dans sa propre voiture attelée de quatre chevaux,et partir pour une autre route,afin d'émigrer. |
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n°20491 de chip le 03/01/2007 à
22:33:34 |
France |
Ce postillon retourna donc à Paris,bien en état,s'il y était interrogé,de fournir aux ennemis de S.M. les indices qu'ils pourraient désirer.Et on conçoit combien la première mesure prise devait ou pouvait devenir nuisible.Ce ne fut pas cependant celle-là qui occasionna principalement le plus grand des malheurs.
Nous venons de laisser M.de la Fayette rentré chez lui,bientôt couché,et sans doute bientôt endormi.Lui et tout Paris n'auraient appris que fort tard,dans la matinée du lendemain,le départ de la famille royale,si ce n'eût été l'habitude qu'avait le médecin de Mgr.le Dauphin,d'entrer chez ce prince aux approches de sept heures,pour savoir de ses nouvelles.Trouvant sa chambre vide,il se rendit chez Madame Royale,où il pensait que,Monseigneur pouvait être.N'y voyant ni elle ni lui,l'inquiétude commence à gagner: on va chez la Reine,on va chez le Roi,et chez Mme Elisabeth ; tous les appartements sont déserts....On se regarde avec stupeur ; la famille royale s'est évadée,se dit-on.
On prend l'alarme ; on la répand ; on court informer M.de la Fayette,qui était encore au lit,et qui refuse de croire à la nouvelle.Mais Paris se remplit de rumeur ; le bruit du départ de LL.MM. perce dans tous les quartiers.On s'attroupe,on bat la générale,le tocsin sonne ; le général en chef donne ordre qu'on mette les chevaux.
Un instant après,il monte en voiture pour se rendre au château ; et en chemin,il est plusieurs fois assailli d'une foule de gens du peuple qui l'accusent de trahison,et menacent de le massacrer. |
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n°20814 de chip le 18/01/2007 à
23:52:33 |
France |
S'étant confirmé,par ses propres yeux,que effectivement le Roi et sa famille avaient quitté Paris,il sortit des Tuileries pour aller conférer avec l'assemblée constituante,et recevoir les ordres relativement aux mesures qu'elle jugerait devoir être prises.Au retour,son trajet ne fut pas sans danger : les mêmes hommes,renforcés d'une populace immense,parmi laquelle il put reconnaître nombre des individus féroces qui s'étaient signalés à Versailles aux 5 et 6 octobre 1789,l'environnèrent de nouveau en l'accablant d'injures,en lui faisant des menaces effrayantes.D'après les journaux du temps,confirmés par la croyance de tout Paris,on tient pour constant qu'il dit à ces
furieux : "Mes enfants,j'ai laissé partir le Roi;mais calmez-vous,son arrestation est dans mes mains;le traître vous sera ramené sous bonne escorte.Si je ne vous le rends pas,je consens à mourir"
Toutefois,on peut juger facilement aujourd'hui que,si cette audacieuse réponse a été faite,il est du moins certain qu'elle n'a été inspirée à M.de La Fayette que par la crainte de devenir à l'instant victime de l'emportement de cette populace,dont jusque-là il avait été l'idole.Il en fut accompagné jusqu'à Hôtel-de-Ville,où il combina avec les officiers municipaux et le conseil de la commune,les moyens capables de faire découvrir quelle route avait prise S.M.
Celui de rassembler et d'interroger tous les voituriers de Paris,fut proposé et adopté sur-le-champ. |
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n°20816 de chip le 18/01/2007 à
23:52:33 |
France |
On les manda au plus vite;on les questionna,et le conducteur des deux femmes de la suite des Enfants de France,qui avait
beaucoup vu,beaucoup entendu à Bondi,dévoila ou donna à entrevoir une partie du mystère.Sans doute que ça été son rapport qui,fournissant au moins une demi-lueur,a décidé M.de La Fayette à faire voler de poste en poste,partant de Bondi deux de ses aides-de-camp sur les traces de son Souverain,avec ordre de les suivre à toute bride,et sans relâche,jusqu'à ce qu'ils parvinssent à l'atteindre ; mais leur diligence, même outrée,n'aurait jamais pu empêcher le Roi d'arriver où il voulait aller.L'avance qu'avait S.M. était déjà trop considérable,puisque depuis minuit rien n'avait retardé sa marche,et que,avant que les deux aides-de-camp fussent sortis de Paris,neuf heures du matin avaient sonné.Cette diligence eut pourtant une utilité bien funeste,celle de faire repartir de Varennes la Famille Royale,avant qu'elle y pût être secourue par M. le marquis de Bouillé et les troupes qu'il commandait.
Pour reconnaître,donc,la vraie source de la douloureuse arrestation,il s'agit de faire attention à ce qui suit,et de bien entendre surtout l'importance des ordres qui avaient été donnés à M.le duc de Choiseul,et à l'aide-de-camp de M.de Bouillé,tous deux postés à Pont-sous-Velle.On en a lu précédemment la teneur,et d'après cela on peut facilement se convaincre que c'était de leur ponctuelle exécution que devait dépendre le succès de l'entreprise. |
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n°20854 de chip le 21/01/2007 à
01:17:53 |
France |
A l'époque dont il est question,les voyageurs,en poste,parcouraient sans difficultés les diverses provinces du royaume : nulle part on ne les inquiétait.Beaucoup de contrées considérables n'étaient point armées ; et le Clermentois,l'Argonne, par où le Roi avait à passer,se trouvaient dans ce cas.Il y avait par conséquent à se flatter que les détachements militaires,qu'on y avait stationnés;suffiraient,dans tous les cas,à contenir les habitants;mais,malheureusement,
la seule présence de ces petites troupes avait suffi pour inspirer de la défiance aux autorités des lieux qu'elles occupaient.
Leurs commandants,questionnés par les officiers municipaux,répondaient que leur mission était "d'attendre et d'escorter un trésor",et cette réponse même augmentait les soupçons dont le détachement était l'objet. |
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n°20855 de chip le 21/01/2007 à
01:17:53 |
France |
La Famille Royale,partie en poste de Bondi,marcha avec une grande célérité vers Châlons,sans autre accident que celui d'un trait rompu en accrochant une borne,ce qui n'occasionna pas six minutes de retard ; aussi commencait-elle à respirer.
La confiance et l'espoir prenaient la place de l'inquiétude ; déjà la Reine et Mme Elisabeth montraient un air de satisfaction,même un peu de gaîté.Au relais de Jalon (c'est celui qui précède immédiatemment Châlons),la Reine dit au comte de Valori :"François,il me semble que cela va bien;nous serions arrêtés si nous avions dû l'être;ils n'ont pas eu connaisance de notre départ".
La réponse du fidèle François fut:"Madame,à douzes lieues de Paris,déjà nos inquiétudes se sont dissipées:nous aurions été atteints dans cet espace de chemin si,après le coucher du Roi,ou après notre sortie du château,on s'était aperçu de quelque chose:il n'y a plus aucune crainte à avoir.Je ne remarque pas de mouvement ni de suspicion nulle part.Courage,Madame!oui,tout va bien".
Les illustres voyageurs entrèrent à Châlous-sur-Marne,vers deux heures de l'après-midi.Le plus grand calme y régnait:on en partit sans embarras après avoir relayé. |
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n°20856 de chip le 21/01/2007 à
01:17:53 |
France |
M.de Valori arrive à Pont-sous-Velle,où il devait s'aboucher avec M.le duc de Choiseul,commandant à ce poste un escadron des hussards de Lauzun,et avec l'aide-de-camp de M.de Bouillé que lui avait annoncé le Roi;mais il est bien étonné d'apprendre que ce détachement avec son chef,s'est retiré de Pont-sous-Velle dans la matinée,parce qu'il s'est fait un soulèvement contre lui,auquel même les environs ont pris quelque part.Sans doute que M.de Choiseul n'a éloigné sa troupe que pour calmer le peuple et empêcher que le chemin de S.M.ne soit encombré par des masses de gens en insurrection;telle est la pensée de M.de Valori:cependant, une pareille découverte tourmenta fort son esprit.Il se garda d'étendre les questions,commanda les chevaux de relais,les fit sortir tout harnachés dans la rue,paya un verre d'eau-de-vie aux postillons comme c'était son usage;et cela fait,il fit parcourir le village et ses avenues pour chercher s'il ne pourrait découvrir l'aide-de-camp de M.de Bouillé,lequel devait,comme on le sait,monter à cheval à la minute pour porter
aux commandants des autres détachements les ordres qui les concernaient,et qui lui avaient sûrement été communiqués par M.le marquis de Bouillé.La perquisition de M.de Valori ne produisant rien,après avoir essayé,avec réserve,de prendre encore quelques informations,et entendant approcher la voiture de LL.MM.,il retourne à la porte,fait dételer et ratteler promptement;puis,s'avançant jusques à la portière du Roi,il lui rend compte de ce qu'il vient d'apprendre,l'assurant d'ailleurs qu'il n'a observé dans Pont-sous-Velle que la plus absolue tranquilité. |
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n°20857 de chip le 21/01/2007 à
01:17:53 |
France |
On se remit en marche,et M.de Valori poussa en avant,un peu agité de ce contre-temps,et inquiet de ce qui pouvait en résulter relativement aux dispositions faites le long de la route,lesquelles,fautes des ordres ultérieurs dont l'aide-de-camp devait être l'organe,devenaient tout au moins inutiles.Il pressa extrêmement son bidet afin de gagner beaucoup de chemin sur le carosse de ses Maîtres.Sa crainte était surtout que les habitants de Sainte- Menehould n'eussent,comme ceux de Pont-sous-Velle,pris ombrage du séjour de l'escadron du régiment de Monsieur,dans leur ville,et qu'ils ne les trouvât aux aguets.
En y entrant,ses appréhensions ne se justifièrent que trop;il vit,avec un secret effroi,beaucoup de gardes nationaux(les premiers qu'il eût rencontrés depuis Paris) répandus dans les rues.Les tambours y battaient;du monde,en assez grande quantité,y paraissait en mouvement.Il ne douta point que tout cela ne fût le symptôme,encore vague peut-être,d'une alarme conçue par quelques soupçons,peut-être vagues aussi.
En traversant la grande place,il remarqua des dragons de l'escadron de Monsieur en bonnets de police devant la porte d'une auberge,et il éprouva alors un secret contentement fondé sur ce que le détachement n'avait du moins pas quitté son poste.Non loin,à quelques pas,il connut M.le marquis d'Audoin,commandant de l'escadron;mais il ne l'aborda point,il passa roide.Trop inquiet,trop en crainte d'attirer sur lui la moindre attention,ce fut à la poste aux chevaux qu'il se rendit directement.On la lui indiqua,et il commanda bien vite les relais.
Là l'enfer avait vomi et avait prédestiné un monstre à devenir une source d'attentats effroyables:c'était Drouet.Le hasard fit que ce fut à lui-même que s'adressa le comte de Valori:et pourtant cet homme,si atrocement révolutionnaire,ne s'informa pas s'il avait un passeport,n'exigea point qu'il lui en fût montré,ne dit rien,en un mot,qui pût faire croire qu'il eût quelques soupçons dans l'esprit;il se contenta de demander ce qui se passait de nouveau à Paris:on juge bien qu'il ne ne lui fut fait que d'insignifiantes réponses. |
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n°20998 de chip le 26/01/2007 à
21:24:52 |
France |
Les chevaux,bientôt arnachés et placés en dehors de la porte du logis,dans la rue,M.de Valori sort pour s'assurer qu'il ne leur manque rien.Il est accosté par M.le marquis d'Audouin,qui lui témoigne sa surprise et sa douleur de n'avoir point été prévenu,ainsi qu'il s'attendait à l'être,et qui l'engage, au surplus,à partir très vite;attendu que lui et son détachement avaient été inquiétés par les habitants,lesquels s'employaient activement à tâcher de corrompre sa petite troupe.M.de Valori coupe court à la conversation:"quittez-moi tout de suite,Monsieur,allez à votre escadron,faites tout ce qui est possible pour le maintenir; mais n'entreprenez pas de donner avant que nous soyons hors d'ici.
Ne nous disons rien de plus : il n'est pas bon qu'on nous voie nous entretenir".Ce colloque d'un instant ne fut point remarqué,car il ne produisit rien.Quelques personnes regardaient les chevaux,mais c'était sans une extraordinaire attention;et pour ne la point provoquer non plus sur lui,M.de Valori rentra un instant dans la maison.
Très peu de minutes après,la voiture de LL.MM.s'annonça par les coups de fouets des postillons;alors M.de Valori fit atteler avec célérité et repartit.Pendant qu'on procédait il eut le déplaisir de voir M.le marquis d'Andoin à la portière du Roi,lui parlant,et beaucup de monde s'attroupant à l'entour;de sorte que ce moment a été très pénible à M.de Valori.Louis XVI lui a dit depuis :"M.d'Andoin avait à coeur de s'excuser de ce qu'il n'était pas en mesure de me pouvoir suivre,et de m'en faire connaître les raisons.C'est à ce sujet qu'il sentait le besoin de m'entretenir un instant".Malgré ses divers motifs d'anxiétés,comme rien ne s'opposa encore à ce que S.M. poursuivît sa route,on la reprit aussitôt. |
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n°21115 de chip le 03/02/2007 à
17:31:07 |
France |
Considérons cependant ici combien le sieur Drouet a débité de mensonges.Certes,il a vu le Roi dans son carrosse,car il s'en est approché et l'a regardé fort à son aise.Si,tirant de sa poche un assignat,comme il l'a dit,il eût jugé,en vertu de la ressemblance,que c'était sa personne sacrée,l'eût-il laissé partir?n'aurait-il pas provoqué la fermeture des portes de Sainte-Menehould,et empêché que la voiture sortît de la ville ? Cet homme,qui avait le régicide inné dans le coeur,se serait-il exposé à manquer les moyens de faire arrêter son maître sur le grand chemin,plutôt que d'effectuer ce crime à la porte de sa maison ? Là il était facile,tandis qu'à l'approche de Varennes,la moindre chance heureuse devait suffire à assurer pour toujours la liberté du Roi.
Drouet a donc menti à l'assemblée constituante et à la France entière ! il n'a été que le vil instrument des turbulences démagogiques de quelques uns de ces concitoyens.Le comte de Valori tient de la bouche d'un sous-officier des dragons stationnés à Sainte-Menehould,qui était dans la foule dont le carrosse de S.M. fut entouré,pendant que M.le marquis d'Audoin conférait à la portière,qu'à peine la voiture avait-elle été à cent pas,qu'il entendit plusieurs individus d'entre les curieux,se dirent :"L'homme que nous venons de voir au fond de cette voiture ressemble au Roi".Et ensuite, a ajouté ce sous-officier,le propos se répétant,il se répandit dans tous les quartiers,"que c'était sûrement le Roi qui venait de passer". |
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n°21116 de chip le 03/02/2007 à
18:43:47 |
France |
M.le marquis d'Andouin ayant rejoint sa troupe,fit sonner la boute-selle pour la faire monter à cheval et courrir derrière LL.MM. : ce fut ce qui décida l'alarme.Le peuple se met aussitôt en insurrection;il se porte à l'auberge où sont les dragons,leur fait distribuer du vin,leur ofre de l'argent : les sangles de leurs selles sont coupées par les plus entreprenants ; l'émeute s'augmente,on bat la générale,et le tocsin sonne.Les officiers municipaux,rassemblés tout de suite à l'Hôtel-de-Ville,firent arrêter et comparaître M.le marquis d'Andouin; mais ses réponses à leurs questions ne purent les éclairer.Ils envoyèrent l'ordre au maître de poste de se rendre par devant eux:
Drouet vint,et,plein d'un zèle impie,il offrit de monter à cheval,de couper court par des chemins de traverse,de devancer à Clermont la voiture du Roi,et surtout l'y faire arrêter.On accepta son offre :il partit de suite.Personne n'était plus en état de s'opposer ; et M.le marquis d'Andouin,une fois tombé au pouvoir de la municipalité,ses dragons s'unirent à l'insurréction.
A présent on doit sentir très distinctement que,si les ordres qui avaient dû être portés de Pont-Somvelt aux chefs des détachements,l'eussent été en effet,M.d'Andouin et son escadron auraient été attendre le carrosse du Roi en avant de la ville,pour ensuite le suivre;on sent qu'on ne l'aurait vu parler ni à M.de Valori,ni à S.M.;on sent,enfin,que Drouet n'aurait pas monté à cheval,ou qu'il y serait monté fort inutilement,et qu'il y a tout lieu de croire que l'infortunée famille royale aurait atteint sa destination ;qu'elle y aurait été entourée de forces respectables et fidèles ; que son salut aurait opéré celui de la patrie si déchirée depuis ; que cette suite de tempêtes appelées par l'esprit de faction,perturbateur eternel de toute société,eût été heureusement conjurée ;et que la souillure ultérieure d'une tache à jamais épouvantable aurait été épargnée à une nation sensible qui la déplorera toujours!... |
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n°21120 de chip le 03/02/2007 à
18:43:47 |
France |
Elle voyageait pourtant encore avec espérance,cette Famille si digne d'être chérie ; car nulle chose ne lui avait pu faire augurer qu'elle eût été reconnue,ni même soupçonnée.Le peu de signes de désordre qu'elle avait peut-être entrevus étaient équivoques ; d'ailleurs,elle les laissait derrière elle,et,sur la grande route,il n'en apparaissait aucun : l'on n'y
voyait presque personne.
A Clermont,tout était calme aussi; on y relaya devant le logis du maître de poste,en pleine rue,sans nulle embarras,et on en repartit de même;car Drouet,malgré sa messe,n'avait pu réussir à dépasser encore la voiture du Roi.En avant de cette ville,sur la chaussée,M.de Valori avait rencontré M.le comte Charles de Damas,colonnel du régiment de Monsieur,dragons,qui,fort étonné de l'apparition du courrier en veste jaune,qu'il savait devoir être le comte de Valori,l'arrêta un instant pour lui faire part des inquiétudes que lui avaient causées des mouvements populaires,excités par le séjour de sa troupe.
Elle avait en quelque sorte lâché le pied ou méconnu ses ordres;et il augurait si peu d'elle,qu'il croyait prudent de n'essayer de l'enlever pour la porter à la suite du Roi qu'après que S.M. serait de l'autre côté de Clermont.Il ajouta qu' alors il tenterait fortement de parvenir à disposer d'elle,et lui faire faire son devoir,ce à quoi il se flattait de ne pas éprouver d'obstacles suffisants de la part des habitants,vu qu'il ne leur laisserait pas le temps de se réunir pour en opposer.
Malheureusement cet espoir ne tarda guère à être déçu : peu de minutes après que le Roi fut sorti de la ville,Drouet y entra.Il courut à la poste aux chevaux,où il apprit qu'on venait de relayer la voiture qu'il désignait.Furieux de se voir un instant déjoué,le misérable ne sut mieux faire que se jeter à travers les rues,appelant le peuple à partager ses intentions criminelles,lui demandant de faire sonnerle tocsin :et le peuple,déjà que trop disposé au désordre,s'ameuta aussitôt contre les dragons,les menaça,les caressa,les fit boire;de sorte que,quand,M.le comte Charles de Damas leur ordonna de monter à cheval,la corruption avait eu sur eux un succès si subit et si entier,qu'il refusèrent absolument de lui obéir. |
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